Soit une Algérienne née en février 1960 en Algérie de parents mariés religieusement, le père étant Harki.
Le père a été rapatrié en France en juin 1962, laissant la femme et la fille en Algérie.
Selon son inscription en sa qualité de rapatrié d’Algérie à la Préfecture du Rhône en novembre 1964, celui-ci a fait état d’une épouse et d’une enfant mineure à charge.
La fiche d’identification de décembre 1965 faisait également état de l’enfant comme « personne vivant au foyer ».
Le 12 mai 1965, il établissait une déclaration recognitive de nationalité française en sa qualité de rapatrié d’Algérie.
En 2015, La fille a formé une demande de certificat de nationalité française auprès du Greffe compétent, s’estimant française, son père ayant souscrit une déclaration recognitive de nationalité française alors qu’elle était âgée de 5 ans.
Par décision du 15 février 2017, le Greffier a rejeté cette demande au motif :
« … En l’absence d’acte d’Etat Civil relatif au mariage de vos parents ou de documents probants en originaux, délivrés du temps de votre minorité qui ont pu être, susceptibles d’établir votre possession d’état d’enfant naturelle à l’égard de votre père, vous ne rapportez, en l’état des pièces produites, la preuve de votre filiation à l’égard du titulaire de la déclaration recognitive de nationalité française… »
A la demande de la fille, j’ai saisi le Tribunal du litige.
En droit, la possession d’état permet d’établir l’existence d’un lien de filiation et de parenté entre un parent et son enfant qui se comportent comme tels dans la réalité ;
La possession d’état est la réunion de plusieurs faits susceptibles de prouver la réalité vécue d’un lien de filiation et de parenté entre un enfant et le parent dont il dit être issu ;
Elle suppose la réunion de plusieurs faits, notamment :

  • le parent et l’enfant prétendus se sont comportés comme tels dans la réalité,
  • la société, la famille, les administrations reconnaissent l’enfant comme celui du parent prétendu,
  • l’enfant porte le nom de celui ou de ceux dont on le dit issu ;

Or en l’espèce, toutes ces conditions sont réunies, l’enfant ayant été déclarée par son père le lendemain de sa naissance.
Le père a fait état de son existence dans toutes ses démarches administratives qu’il a entamées aussitôt rapatrié en France ;
Cette filiation est ainsi reconnue dans la vie courante tant par les proches que par les administrations respectives des deux Etats;
Enfin, La filiation a effet sur la nationalité de la demanderesse, celle-ci ayant été établie durant sa minorité ; (article 20-1 du code civil)
Le procureur de la république, qui bat habituellement le fer pour s’opposer à la délivrance du certificat de nationalité française, ne peut que se rendre à l’évidence du caractère abusif du refus dans ce dossier, en concluant, je le cite : « Madame….dont le père a conservé la nationalité française pour avoir souscrit le 12 mai 1965 une déclaration recognitive enregistrée le 26 juillet 1965 sous le numéro … est par conséquent française par effet collectif de cette déclaration ».